• Jour 3 - 21 octobre 2014

     

    Où fallait-il que l'on regarde pour éviter d'y croire ?

    Samedi, j'ai remonté la dune avec les enfants pour rejoindre la voiture. Mes pieds qui s'enfonçaient sous mon dos douloureux me renvoyaient aux kaya bleu d'une latérite ensablée du quartier du Château d'Eau. Mes tongs dans le sable. Un geste de la main à l'épicier, sa vieille télé branchée sur la batterie de 504 rechargée à l'acide. L'homme levait la tête, m'adressait un sourire, nous avions fini par nous connaître au moins nous reconnaître. Les gamins rejouaient la finale de la CAN dans les ornières. Je rentrais faire la sieste, je ressortirais plus tard goûter à l'extraordinaire de mes jours ordinaires dans un cinéma de quartier grillagé ou sur le terrain de basket d'un collège fermé auquel on accédait par un mur éventré. Je saluerais longuement la vieille de la concession voisine qui me demanderait des nouvelles de chez moi, là-bas, et me presserait de saluer ma mère de sa part. Vingt ans plus tôt, mais à chaque contact du sable. 

    J'avais enfermé ces images dans la cantine en fer au fond du garage. Je profitais parfois d'un souvenir perdu, de la recherche d'un objet estompé, pour révéler ces reliques et espérer peut-être les entendre me dire, autrement, plus tard, quand les enfants seront grands, quand Lou aura l'âge de suivre son père s'halluciner du monde. J'avais laissé Niamey, j'avais laissé Madrid, enfouissant mes racines dans ma terre de naissance.